Projecteur sur Enya Baroux

Nous l’avions rencontrée, il y a plusieurs années, lors d’un Festival Nikon… Elle présentait alors un film qui nous avait particulièrement touchés « Je suis grande maintenant ». Depuis, nous suivons avec admiration tous ses projets de réalisatrice et de comédienne. C’était donc une évidence pour nous de lui proposer de prêter son image à notre campagne Ptit Clap 2021. Elle est pétillante, talentueuse et généreuse. Nous devrions tous avoir une Enya dans notre vie…

 

Bonjour Enya, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour, je m’appelle Enya, comme la chanteuse ou comme Kenya sans le K. Je suis comédienne, scénariste et réalisatrice 🙂

Comment t’es venue l’envie de te lancer dans le cinéma ?
L’envie m’est venue vers 18 ans, quand il a fallu se décider à choisir des études supérieures ! Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire, mais je savais que je détestais rester assise de longues heures derrière un bureau. J’aimais beaucoup écrire, le seul truc dans lequel j’étais douée à l’école c’était les rédactions, alors je me suis dit qu’écrire des histoires pourrait me plaire. Je me suis donc inscrite à l’ESRA pour apprendre les métiers du cinéma, dont l’écriture du scénario, et ça m’a plu tout de suite.

 

Interview d'Enya Baroux

© Natacha Lamblin

On peut voir que dans « Papa rapido » et « Je suis grande maintenant » tu es réalisatrice mais aussi actrice, as-tu quand même une préférence entre les deux ?
J’aime vraiment autant les deux, en ce qui me concerne, je ne pourrais pas faire l’un sans l’autre. Réaliser me permet d’être à l’initiative de mes propres projets, sans être constamment dans l’attente du désir des autres. Parce qu’être comédienne, pour 90% d’entre nous c’est : passer des castings, attendre des réponses qui parfois ne viennent jamais, et se remettre en question à chaque audition qu’on rate, c’est très difficile. Les gens ont tendance à penser qu’être actrice c’est super cool, mais avant d’être Marion Cotillard il faut vraiment prendre son mal en patience, et ça peut durer des années. Quand ça fonctionne et qu’on est pris dans un film, ça tient du miracle. Il y a plein d’actrices talentueuses qui ne tournent pas, il y a beaucoup de candidates et très peu d’élues. On a souvent tendance à ne voir que le moment où ça fonctionne, en oubliant la partie cachée de l’iceberg. Chaque actrice ou acteur qui réussit a travaillé dur, c’est un marathon ! Personne n’est là par hasard.

Quand je réalise, c’est tout le contraire, j’écris mes histoires, je dois bien sûr trouver des financements pour les mettre à l’image, mais je peux faire bouger les choses pour que ça avance, je suis à l’initiative du projet. Pour tenir le coup dans ce chemin sinueux de comédienne, j’ai ce besoin de prendre en main mon destin en réalisant des films 🙂

Quelles sont tes inspirations cinématographiques pour tes films ?
J’ai plein d’inspirations différentes, je suis une grande fan du cinéma de Xavier Dolan, un peu comme beaucoup de gens de ma génération. Parce qu’il a mon âge, et qu’il n’a attendu personne pour réaliser ses projets très jeune, il fait lui-même le montage de ses films, il décide de chaque élément de décor, de costume… Il m’impressionne à ce niveau-là, et ensuite ses films m’ont pratiquement tous mis une claque. J’aime bien prendre des claques au cinéma. En France, je suis complètement fan de Toledano et Nakache, ils ont vraiment réussi à trouver la recette parfaite pour faire « pleurire » ! Quand tu vois leurs films, tu ris, tu pleures, tu ressors et tu mets un petit temps à te remettre de tes émotions, c’est trop bien. Les films de Claude Sautet ont été une grande leçon également, j’aime la manière dont il traite les relations humaines, les sentiments et les émotions, avec simplicité et sans artifices. Ce que j’aspire à faire, de mon côté, c’est traiter de sujets assez graves ou difficiles sur le ton de la comédie. Inconsciemment c’est ce que j’ai toujours fait dans mes courts métrages, je parle du deuil, de la mort, de la recherche d’un père disparu, mais toujours avec un regard assez cynique. Je pense que c’est ma manière d’affronter les aléas de la vie, avec cynisme et humour, et ça se traduit dans ce que j’écris.

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
Pour l’instant, je pense que c’est le dernier jour de tournage sur mon dernier court-métrage « Papa Rapido ». C’est le premier film que j’ai réalisé seule, dans lequel je joue, on a mis 4 ans à le financer, j’ai cru qu’il ne se ferait jamais. Alors quand on a annoncé la fin de tournage, après 5 jours éprouvants, avec une équipe que je n’oublierai jamais, j’ai complètement craqué comme une enfant de 2 ans et demi.
Je me suis surprise moi-même, trop d’émotions. J’étais tellement fière !

Réaliser un film c’est écrire une histoire, la faire lire à plein de gens qui vont la juger avant de potentiellement vous donner des sous, trouver des acteurs, former une équipe qui accepte d’être payée au lance-pierre pour vous aider à réaliser ce que vous avez pour l’instant uniquement dans votre tête… C’est le parcours du combattant, alors quand on clap le dernier plan du film, on peut être fier de soi.

Maintenant j’ai qu’une hâte, c’est d’être sur le premier jour de tournage de mon premier long-métrage !

Tes films sont souvent portés sur des sujets de société poignants, cela fait suite à des expériences personnelles ou ce sont des sujets qui te tiennent à cœur ?
Tout ce que j’écris part de quelque-chose de personnel. Pour l’instant j’ai du mal à écrire sur ce qui ne me touche pas personnellement. J’ai besoin de vider mon sac et ça me donne plein d’idées alors j’en profite ! Et il se trouve que les émotions dont je parle sont des émotions universelles, le deuil, la famille… Tout le monde se reconnait là-dedans. Après, je pars de ce que je connais et je grossis le trait. L’idée, ce n’est pas de raconter de ma vie, c’est de faire voyager les spectateurs dans une histoire qui fait écho en eux.

D’ailleurs, la thématique de la famille revient souvent dans tes films pourquoi cela ?

Je suis très proche de ma famille et j’étais en particulier très proche de ma grand-mère paternelle qui, malgré elle, est à l’origine de pratiquement toutes mes idées de scénario. C’est la personne qui m’inspire le plus dans mon travail. Je trouve que « la famille », pour chacun, est un lieu inépuisable d’idées, d’émotions, de sujets. Il y a sa famille, qu’on ne choisit pas, puis nos amis, les familles qu’on se crée au cours du temps… L’idée de la transmission est importante pour moi, ma grand-mère m’a transmis un nombre incalculable de valeurs qui font que je peux vivre ma vie aujourd’hui et être qui je suis.

Pourrais-tu nous donner quelques informations sur ton premier long-métrage ?
Mon premier long-métrage va s’appeler « Partir un jour », et il racontera l’histoire d’Odette, une mamie un peu punk et malade qui a décidé d’avoir recours au suicide assisté en Suisse mais ne sait pas comment l’annoncer à sa famille. Elle va donc inventer un énorme mensonge pour les emmener avec elle malgré eux, dans son vieux camping-car qu’elle n’a pas utilisé depuis 20 ans. C’est un road-trip, et c’est une comédie sur une fin de vie un peu hors du commun.

Dans le contexte actuel, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui veulent se lancer dans le cinéma ?

Je pense que le contexte actuel ne change rien. La seule règle quand on veut se lancer dans le cinéma c’est de se lancer. Quand on sait qu’aujourd’hui on peut faire des courts métrages avec un iPhone, rien n’est impossible ! Il faut écrire, tourner des images, trouver des gens qui ont la même envie et créer des collectifs pour bosser en groupe, participer à des concours de courts métrages, et après si on veut vraiment apprendre la technique il y a des écoles, des formations, des stages.
Mon seul vrai conseil et attention il y a un gros mot dedans c’est : Créez, et n’ayez pas peur de faire de la merde. Parce que, écrire des supers histoires, ça ne vient pas par miracle, il faut d’abord s’entrainer, et c’est en faisant qu’on trouve son univers.

Propos recueillis par Théo Fradin